Julia Sinédia repose au cimetière de Saint-Louis

’Le malheur des autres était au cœur de ses préoccupations’

8 octobre 2005

Hier après-midi au cimetière de Saint-Louis, le corps de Julia Sinédia a été recouvert de terre et de fleurs. La flamme de cette militante du Parti communiste réunionnais et fervente catholique illuminera pour toujours le cœur des Réunionnais.

Avant-hier matin à la Maison de retraite de Saint-Louis, Julia Sinédia, née Cazour, doyenne de La Réunion et vice-doyenne de France, s’est éteinte à l’âge de 113 ans. Sa flamme brillera à jamais dans le cœur des Réunionnais. Sa petite fille Marcely Moutama l’accueillit une dernière fois au foyer familial au n°207 de l’avenue de Saint-Louis à Saint-Louis. Depuis jeudi, ses proches et ses amis lui ont témoigné toute leur sympathie. Hier après-midi, ils l’ont conduite à sa dernière demeure sur Terre au cimetière de Saint-Louis.

“Mme Manuel”

"Nous venons lui rendre visite souvent à la Maison de retraite", se souvient Maryse et Margueritte. Jusqu’à l’ultime minute, “Mme Manuel” comme l’appellent ses connaissances, est restée lucide. À chaque rencontre, elle se renseignait sur la santé des uns et des autres. Avec Philéoine Técher, aujourd’hui âgée de 78 ans, elle se rendait à la Chapelle du Rosaire à Saint-Louis. Elles lavaient leur linge à la rivière. "À cette époque, les roches servaient de machine à laver", se remémore Philéoine Técher.
"Ma grande tante m’a offert un nécessaire de toilette pour mon mariage, que j’ai conservé. J’ai récupéré aussi une petite marmite", évoque Marie-Yvonne.
"Chez moi, elle lisait, priait", se rappelle Nadia.
"Elle me conseillait sur les attitudes à adopter suivant les circonstances", dit Éric fièrement.

Applaudie par ses proches, ses amis et les militants

À 14h, le corps de Julia Sinédia a été conduit à l’Église de Saint-Louis entouré de compagnons de route. Le Père Ignace note "sa fidélité envers Dieu". Toujours de bonne humeur et toujours prête à rendre service à son prochain, "le malheur des autres était au cœur de ses préoccupations", remarque l’homme d’Église. "Jésus était mon fiancé et Marie ma mère, disait-elle", retient le Père Ignace. À la fin de l’office, il a invité les personnes à se lever pour saluer sous les applaudissements l’œuvre de cette femme pour l’Église et pour la société réunionnaise. Le mot exemple était sur toutes les lèvres.
Avant que son corps ne soit recouvert de terre, Claude Hoarau du Parti communiste réunionnais a lu un témoignage de Paul Vergès, président de la Région, à l’attention de la famille, des amis et des militants. Depuis hier, Julia Sinédia repose à l’ombre des gerbes de fleurs.
“Tifiy Yéyette” a connu une vie mouvementée et palpitante. Elle a dénoncé la fraude électorale à Saint-Louis symbolisée par "le bourrage des urnes" surtout. Fidèle à ses idées, Julia Sinédia a milité au sein du PCR pour défendre les droits des plus démunis. Aujourd’hui, La Réunion perd une grande dame. Un auditeur l’a comparée à "une pierre précieuse" sur les ondes de Kanal Océan Indien, hier-matin.

Jean-Fabrice Nativel


Nathalie Daniel, sœur d’Hippolyte Piot, ancien maire de Saint-Louis :

"Elle dénonçait la fraude électorale et œuvrait pour les plus démunis"

"Julia Sinédia prenait part à toutes les batailles électorales", se souvient la sœur d’Hippolyte Piot, ancien maire de Saint-Louis. "Elle se rendait dans les champs pour dépailler la canne et elle conduisait sa charrette “bèf” remplie de verdure pour les animaux", continue Nathalie Daniel. "Elle œuvrait principalement pour l’amélioration des conditions de vie des plus démunis", souligne-t-elle. "Elle dénonçait le bourrage des urnes". Elle conclut que "le mot “courage” symbolise le parcours de cette femme qui ne se mettait jamais en colère".


Réactions

Voici plusieurs messages de sympathie diffusés hier suite au décès de Julia Sinédia.

o Paul Vergès

"Elle continuera à vivre dans notre mémoire"

Ci-après, les condoléances du président de la Région adressées à Marguerite Moutama, la petite fille de Mme Julia Sinédia.

Madame,
Actuellement à Paris, je viens d’apprendre le décès de Julia Sinedia. Au moment où elle nous quitte, je tiens à saluer une grande Réunionnaise. Comme le dit le proverbe africain, "une personne âgée qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle". Doyenne de notre île, Julia Sinédia a traversé plus d’un siècle de l’histoire de La Réunion. Engagée dans les luttes pour la justice et la défense de la dignité des Réunionnais, sa vie a été intimement mêlée aux différents épisodes de l’histoire de notre île. Elle a vécu les drames issus de la colonisation, de l’injustice, des atteintes à la démocratie, de la violation du suffrage universel, de la fraude, de la répression. Elle a aussi constamment lutté pour l’amélioration des conditions de vie des Réunionnais et en particulier de celles des plus pauvres dont elle faisait partie. En ce sens, elle continuera à vivre dans notre mémoire, car elle appartient au patrimoine réunionnais.
Sa vie est le témoignage que ce sont les luttes politiques et sociales qui façonnent l’histoire d’un pays et que les conquêtes sociales et le progrès sont toujours le fruit des combats menés.
Julia Sinédia aura vu La Réunion passer de l’état de Colonie au rang de Département, et face aux rapides bouleversements et aux extraordinaires mutations de la société réunionnaise, elle est toujours restée fidèle à ses engagements et aux valeurs essentielles de justice, de solidarité et de générosité qui fondent l’identité réunionnaise. C’est dans cet esprit que les Réunionnais, dans leur diversité, sont unanimes aujourd’hui pour lui rendre hommage. A vous-même, à toute sa famille et à tous ses amis de lutte, j’adresse mes très sincères condoléances.

o Union Régionale Sud-CGTR

Condoléances

Les camarades de l’Union Régionale Sud CGTR réunis en Assemblée générale, ce jour, adressent leurs sincères condoléances à la famille de leur camarade Julia Sinédia, décédée le 6 octobre 2005.


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