L’Europe et les favoris des sondages

Le cadre des politiques fiscale et économique absent de la campagne

11 avril 2007

Alors que les conséquences des décisions prises à l’échelon européen s’imposent dans les politiques économique et fiscale de tous les États-membres, les trois candidats favoris des sondages n’appellent pas à remettre en cause le fond des traités et directives européennes. Dans ces conditions, comment peuvent-ils prétendre faire reculer les inégalités ?

« L’Union encadre surtout très strictement les politiques intérieures. Les Vingt-Sept ne disposent déjà plus des deux leviers économiques que sont les politiques monétaire et budgétaire. La fiscalité, en théorie toujours du ressort des États, tend, dans les faits, à s’uniformiser par le bas sous la pression de la concurrence intracommunautaire. Et les quelque 80.000 pages de l’“acquis communautaire” (traités, directives, décisions, règlements, jurisprudence) formatent la quasi-totalité des activités nationales ». Dans le dernier numéro du “Monde diplomatique, Bernard Cassen rappelle toute l’importance de la question européenne. D’après le journaliste du “Monde diplomatique”, « c’est seulement dans l’interstice des politiques communes que se situent les marges de manœuvre pour des actions nationales ». Et de souligner que « sans complète remise à plat de ces politiques, et par conséquent sans renégociation du contenu même des traités, de nombreuses mesures égrainées dans les catalogues de propositions des uns et des autres sont dénuées de toute portée effective ».

Une dérive libérale

Comme d’autres observateurs, Bernard Cassen constate que malgré leur importance, les questions ayant trait à la politique européenne sont reléguées « en queue » du programme des candidats. Il est pourtant essentiel de connaître la position de chacun d’entre eux sur la manière dont il envisage sa contribution à l’évolution de l’Union européenne. Alors qu’une grande partie des lois nationales sont des transpositions de directives européennes élaborées et votées au sein des institutions européennes.
Le 29 mai 2005, plus de 60% des Réunionnais, la majorité des électeurs en France et aux Pays-Bas, deux États fondateurs de la Communauté européenne, se sont prononcés pour une autre Europe que celle proposée par la Constitution Giscard. À travers un texte peu lisible de 852 pages baptisé Traité constitutionnel européen, une Convention non élue avait élaboré un texte signifiant le triomphe de la compétition, de la “concurrence non faussée”, tout en faisant reculer les acquis des luttes revendicatives.
Par exemple, au lieu de l’expression “le droit à un travail” contenu dans la Constitution française, le Traité constitutionnel européen voulait inscrire dans le marbre “le droit de travailler”. Or, c’est justement parce que la Constitution prévoit “le droit à un travail” que l’État est obligé de s’investir dans la lutte contre le chômage. Si un texte de portée européenne, de rang plus important que la Constitution, utilise l’expression “droit de travailler”, il cautionne un recul qui sera retranscrit dans les législations nationales. Car si la responsabilité de l’État est de garantir le “droit de travailler” plutôt que le “droit à un travail”, alors il n’est plus tenu de garantir à tous les citoyens un travail digne et décemment payé.

Pas de remise en cause

Au-delà de cette question précise, la campagne référendaire avait permis de clarifier les positions de chacun sur l’avenir de l’Europe. Or, les trois favoris des sondages, à savoir les candidats de l’UMP, du PS et de l’UDF, se sont prononcés en faveur de la Constitution Giscard. Autrement dit, ces trois candidats ont appelé à voter pour le même texte cautionnant une dérive libérale de l’Union européenne. Force est de constater que lors du référendum du 29 mai 2005, cette position a été minoritaire car la majorité de l’électorat a voté pour une autre Europe.
Il est important de noter également qu’aucun de ces candidats ne se prononce pour une remise en cause de cette Union européenne qui, aujourd’hui, veut ériger comme principe fondateur le règne de la concurrence non-faussée, avec comme corollaire la casse des droits des travailleurs et le nivellement par le bas sous prétexte de compétitivité économique. Chacun d’entre eux a des propositions pour l’Europe. Mais elles sont convergentes sur un point : la Constitution Giscard devra être acceptée sous une forme ou sous une autre. Dans ces conditions, comment penser qu’ils sont porteurs d’un véritable changement ? En effet, ils ne remettent pas en cause le cadre dans lequel s’élaborent les politiques fiscale et économique des États-membres de l’Union européenne.

Absence inquiétante

D’autres candidats appellent à renégocier sur le fond les traités européens en plaçant le social avant tout. C’est une revendication qui vise à “faire sauter les verrous” pour dégager des marges de manœuvre afin de se donner les moyens d’engager une politique de lutte contre le chômage et de réduction massive des inégalités. C’est le point de vue défendu par Marie-George Buffet lors de son meeting au Port, et il est partagé par d’autres candidats progressistes. Des candidats qui, en 2005, ont appelé à voter pour une Europe sociale et solidaire.
En tout cas, cette absence de l’Europe de la campagne n’est pas rassurante pour les Réunionnais. La politique européenne influe sur de nombreux dossiers, en particulier celui de la filière canne-sucre. Cette dernière est intégrée dans une Organisation communautaire de marché, dépendant des décisions prises par les institutions européennes. De ces décisions découle le prix du sucre, et par conséquent celui de la canne. Le régime actuel court jusqu’en 2014. Et après ? Les incertitudes demeurent sur l’avenir des planteurs. Toute une filière s’interroge, qu’arrivera-t-il dans 7 ans ? Or, pour l’agriculture, les réponses viennent de l’Union européenne.

Manuel Marchal


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Messages

  • Bonjour,

    Je viens de consulter votre site, http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=21485, et tout particulièrement l’article :
    " L’EUROPE ET LES FAVORIS DES SONDAGES
    Le cadre des politiques fiscale et économique absent de la campagne"

    NB : Ci-dessous Edito de blog dont le titre est Mass média et constitution européenne.

    J’apprécie vivement que d’autres "micro media" s’emparent du sujet de la Constitution européenne, ceci d’autant plus que les mass media font obstruction à la diffusion des informations en la matière.

    Analyses et réflexions développées en 2003, puis en 2004, avec celles menées courant 2005 et 2006 :
    Désormais aussi voir mon propre blog, http://thz.oldiblog.com/. ...,

    Le projet de la Constitution européenne est un COUP D’ETAT, un scandale européen majeur .
    Scandales : analyses de dysfonctionnements d’Institutions de la République française.

    ici : Dossier TCE : Constitution européenne = COUP D’ETAT !

    1°Article Introduction complémentaire à l’article sur TCE = ...
    2°Article TCE = aussi ABROGATION de la CEDH
    - reprend d’abord le document Communication02.pdf diffusé le plus largement possible depuis 2006,
    - comporte ensuite d’autres analyses récentes, en reprend d’autres menées dès juin 2004, pleine d’intérêt cette seconde partie représente environ 5 fois la première partie, son "look"est non finalisé...
    - voir ici - lien vers Conseil Constitutionnel (décision citée et surtout analysée)
    Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 Traité établissant une Constitution pour l’Europe
    - voir ici - lien vers RdM, Communication d’actualité sur TCE (emplacement et lien temporaire ...)
    - voir ici - lien vers ATTAC publié le 8/03/2007 - Les 10 principes d’Attac pour un traité démocratique -
    NB : ! Les informations de Communication02.pdf y sont prises en compte, des analyses de la seconde partie du présent article restent à prendre en considération.
    - voir ici - lien vers Observatoire de l’Europe Article : "Un ’cabinet bleu’ au coeur du pouvoir ?"
    - voir ici - lien vers Conseil Constitutionnel Notion de droit moniste / droit dualiste

    -------------------------- AUTRES SUJETS SUR LE BLOG --------------------------

    ici : Dossier Tramway Toulon : scandale financier et administratif !

    ici : Dossier Banque de France : scandale !

    ici - lien vers RdM, Recours Urgent au Médiateur de la République 03.2007 (Médiatisation THZ)

    ici : Recours 2004 au Premier Ministre et au Président RF !


    Meilleures considérations,
    Thierry ZUBANOVIC
    Toulon le, 11.04.2007

    Voir en ligne : Mass média et constitution européenne


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